La mode, reflet de notre époque : tendances et messages en mouvement
La mode, bien plus qu’un simple reflet des goûts du moment, est un puissant miroir de notre société. Exemples et anecdotes.
La mode : miroir et manifeste de notre époque
Helmut Newton
Avant de travailler dans le secteur, j’ai longtemps cru que la mode se limitait à quelques silhouettes perchées sur des talons de douze. Puis j’ai compris que derrière les sequins, il y avait un véritable baromètre de nos angoisses, de nos révoltes et de nos désirs enfouis. Aujourd’hui, je ne vois plus une simple défilé : je vois tout un discours social qui pourrait faire plus de bruit qu’un pamphlet de vingt pages. Alors, laissez-moi vous embarquer dans ma vision (très subjective) de cette planète mode, où le futile rencontre le vital.
Imruh Asha
Du jogging dépressif à la jupe en maille quiet luxury : la revanche du confort
Jogging ou pantalon parachute ?
Souvenez-vous : en pleine pandémie, le jogging, ce paria du vestiaire, a soudain trouvé grâce à nos yeux. Le molleton est devenu notre rempart contre un monde hostile. Ma vie confinée s’est résumée à ce dilemme existentiel : quel survêt pour mon zoom de 10h ? Les doudounes XXL ont suivi, démesurées, comme si le volume pouvait nous protéger de l’angoisse collective.
Mais voilà, la mode ne s’arrête jamais à l’utilitaire. Elle sublime, elle transforme.
Prenez une doudoune Balenciaga, gigantesque, presque grotesque, mais terriblement séduisante. Elle ne protège pas seulement du froid ; elle incarne une posture : “Je suis bien dans mon cocon, mais ne m’approchez pas.”
Aujourd’hui, ce confort est devenu raffiné. Les leggings laissent place à des robes en maille douce ou à des mocassins souples qui murmurent “luxe” sans crier “ostentation”. Chaque détail est pensé pour apaiser, pour rassurer, mais sans jamais oublier que l’allure reste un langage universel.
Balenciaga automne-hiver 2018-2019
Quand mes vêtements hurlent plus fort qu’un manifeste
Je me souviendrai toujours de mon premier coup de foudre pour une robe Marine Serre, avec ses motifs comme échappés d’un film post-apo. J’avais l’impression de porter un cri : “Le futur est incertain, réveillez-vous !” Au-delà de la performance esthétique, c’est un discours.
À ceux qui ricanent et demandent : "Qui peut porter ça ?", la réponse est claire : celles et ceux qui veulent que leurs vêtements hurlent un message.
Défilé Marée Noire de Marine Serre
Une jupe sur les hanches d’un homme ? Ce n’est pas qu’un look, c’est un pied de nez à des siècles de binarité. Et Harry Styles, drapé dans une robe Gucci, provoque bien plus qu’une conversation sur le tapis rouge : il ouvre la porte à une autre manière d’envisager le genre. La mode, dans toute sa superficialité apparente, est une arme de subversion massive. Elle provoque, elle agite, elle bouscule les normes avec un éclat qui lui est propre.
Harry Styles en couverture de Vogue décembre 2020 par Tyler Mitchell
La nostalgie comme refuge perso (et antidote collectif)
Pourquoi ressortir ces mini-jupes plissées ou ces jeans baggy de mes vieux cartons ? Parce que dans un monde qui vacille, la mode rétro agit comme un doudou culturel. Elle réinvente des époques où tout semblait plus simple – même si, soyons honnêtes, c’est souvent un doux mensonge. La mode le sait et me le renvoie en plein visage avec ce revival Y2K.
Y2K look : ensemble Self Portrait, sac Balenciaga, bottes Blumarine
J’ai beau me rappeler que mes looks de l’époque étaient parfois terrifiants (ne parlons pas des mèches colorées), je me surprends à sourire devant ce come-back. Mais attention, cette nostalgie n’est jamais une copie conforme. C’est un remix malin, un clin d’œil à notre passé, réinterprété avec malice à l’aune de nos envies actuelles.
Le retour du Y2K n’est pas qu’un revival kitsch : c’est une manière de dire "souvenez-vous, tout n’était pas mieux avant, mais au moins on savait s’amuser".
Ma prise de conscience green : entre vraies promesses et jolis mensonges
Le futur, lui, hésite encore. Le consommateur d’aujourd’hui veut être éthique, ou du moins en avoir l’air. Mais entre greenwashing savamment orchestré et initiatives authentiques, la frontière est floue. Des grandes maisons présentent un sac en “cuir vegan” mais restent muette sur l’impact de sa collection entière. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu le mot “vegan” s’afficher en gros lors d’une présentation.
Et puis, j’ai découvert ou redécouvert le travail de Marine, de Stella, de Kevin, de Conner… qui transforment et réalisent des collections désirables à partir de déchets textiles et de matériaux écoresponsables. Là, j’ai vu la preuve qu’il ne s’agit pas de simples slogans, mais d’un engagement réel. La mode, pour moi, c’est aussi ça : savoir conjuguer désir et responsabilité, sans que l’un cannibalise l’autre.
Chanel printemps-été 2015
Réseaux sociaux : je like, mais à quel prix ?
Si une robe ne devient pas virale sur TikTok, existe-t-elle vraiment ?
Bienvenue dans l’ère où la “For You Page” décide des tendances. Les podiums dictaient autrefois les saisons ; aujourd’hui, les micro-tendances explosent et meurent en un scroll.
Balenciaga pre-fall 2023
Le “quiet luxury” peut-il rivaliser avec le “dopamine dressing” ? Cette question absurde (mais sérieusement posée) résume bien la frénésie ambiante. Au milieu de ce tourbillon, j’ai essayé de garder la tête froide. La mode va vite, c’est un fait. Mais elle sait aussi se nourrir de cette folie pour se régénérer. J’en profite pour piocher ce qui m’inspire vraiment, sans céder à la dictature du temps réel. Je crois que, finalement, c’est ça l’important : retrouver du sens dans ce que l’on porte, plutôt que de courir après les vues.
Iris Apfel, reine du style
Au fond, la mode me (nous) reflète
Plus je réfléchis à mes choix vestimentaires, plus je réalise qu’ils ne sont jamais neutres. La couleur que je porte, la coupe que je choisis, le message que je veux faire passer… Tout participe à raconter qui je suis ou qui j’ai envie d’être. Et quand j’observe les tendances autour de moi, je réalise qu’elles trahissent toutes quelque chose de notre époque – un mélange d’incertitudes, de nostalgie et d’espoir.
En total look Gucci
Finalement, si la mode peut sembler futile, elle est sans doute l’un des rares espaces où l’on peut exprimer, en un clin d’œil, ce qui bouillonne au fond de nous. Alors je continuerai, malgré toutes mes contradictions, à m’enthousiasmer pour une doudoune improbable, un patchwork flamboyant ou un simple T-shirt sur lequel tout est déjà écrit. Parce que la mode, c’est ça : une insatiable envie d’exister avec panache, même quand tout vacille.
Bonnes fêtes de fin d’années !