Demna chez Gucci : un coup de génie ou une prise de risque ?
Demna chez Gucci. L’idée est à la fois géniale et totalement inattendue, et c’est précisément pour ça que j’adore cette nomination.
Qui aurait parié sur lui ? Certainement pas les analystes, et c’est tant mieux. Demna débarque chez Gucci, et c’est probablement la meilleure nouvelle que la mode nous ait offerte depuis longtemps. Alors oui, les financiers s’inquiètent, l’action Kering a chuté, les critiques de mode spéculent sur la compatibilité entre son esthétique dystopique et l’ADN Gucci. Mais soyons honnêtes : Gucci n’avait pas besoin d’un designer consensuel, elle avait besoin d’une vision forte, d’un électrochoc, d’un créateur qui secoue les codes et bouscule les attentes. Qui d’autre que Demna pour ça ?
Le grand retour de la mode qui fait parler
On s’ennuyait un peu, non ? Gucci a longtemps été la maison qui imposait le tempo, qui dictait la conversation mode. L’ère Alessandro Michele a été un feu d’artifice : exubérante, baroque, maximaliste, une mode qui racontait des histoires et faisait rêver. Mais le problème avec les grandes vagues, c’est qu’elles finissent toujours par retomber.
Depuis son départ, Gucci cherchait son équilibre. Sabato De Sarno a tenté le virage intemporel, une approche plus épurée, plus calme. Mais Gucci n’est pas une marque qui chuchote. Gucci crie, Gucci claque, Gucci intrigue. Les ventes ont chuté de 24 % en fin d’année, la maison représentait encore 63 % des profits de Kering, et pourtant, elle n’imposait plus le tempo. Dans une mode qui s’est polarisée entre le “quiet luxury” et la surenchère Y2K, Gucci était un peu entre deux eaux. Elle ne faisait plus rêver. Avec Demna, elle retrouve un créateur capable de provoquer des émotions, de créer des silhouettes qui marquent, de réinventer un vestiaire avec une touche résolument actuelle et visionnaire.
Demna Gvasalia et Balenciaga mis en scène dans Les Simpson
Son travail chez Balenciaga a prouvé qu’il sait mêler avant-garde, normcore et désirabilité, déconstruire et reconstruire des icônes du vestiaire de tous les jours, jouer lui et avec le luxe sans jamais le dévaluer. Ce qui a fait de Balenciaga la marque la plus influente des années 2017-2022, ce n’est pas juste le streetwear ou la hype des collaborations, c’est cette capacité à capter l’air du temps, à comprendre ce que la mode est aujourd’hui.
Balenciaga Haute Couture automne-hiver 2021-2022
Et c’est exactement ce dont Gucci a besoin.
Une vision radicale, mais taillée pour Gucci
On entend les sceptiques : “Le style Demna est trop extrême pour Gucci”. Comme si Gucci n’avait jamais été extrême. Gucci, c’est le flou ultra-sexy de Tom Ford, les folies maximalistes de Michele, le tailoring excentrique de la grande époque florentine. Une maison qui a toujours fonctionné par vagues de ruptures.
Alors forcément, ça crispe certains. On entend déjà les :
📉 “Le streetwear, c’est fini !”
📉 “Les clients Gucci veulent du chic, pas du post-apo.”
📉 “Et si ça faisait fuir les acheteurs chinois et américains ?”
Demna ne va pas simplement dupliquer Balenciaga chez Gucci (en tout cas je l’espère). Il connaît la différence entre les deux maisons, et il a déjà montré qu’il pouvait jongler entre couture et streetwear, entre tailoring et volume, entre luxe et expérimentation. Il sait raconter une histoire sans tomber dans la nostalgie, il sait injecter du commentaire social sans que ça devienne lourd, il sait faire du mode un terrain de jeu sans perdre le sens du business.
Si Gucci veut retrouver son statut de marque qui crée la mode au lieu de la suivre, il fallait un créateur qui ose. C’est ce que fait Demna depuis dix ans chez Vetements puis Balenciaga.
Gucci redevient la maison du frisson
Bien sûr, il faudra attendre 2026 pour voir ses premières collections en boutique. Mais l’effet est immédiat : Gucci redevient excitante. On ne sait pas exactement à quoi ressemblera sa première collection, mais c’est justement ça qui est grisant. L’inattendu, la surprise, la radicalité.
Gucci ne pouvait pas continuer à chercher un équilibre tiède. Elle devait faire un choix, trancher. Avec Demna, elle ne joue pas la sécurité. Et c’est exactement pour ça qu’on a hâte de voir la suite.